Glossaire

CIVILITÉ

De même racine que « civisme », la civilité désigne « l’observation des convenances en usage chez les gens qui vivent en société ; politesse, courtoisie » (Larousse).
Synonyme de « savoir-vivre », la civilité est une façon de manifester son respect de l’autre. Appartenant au registre de langue soutenue, ce terme est beaucoup moins usité que son contraire, « incivilité », qui désigne les comportements témoignant d’un manque de considération envers ses semblables (attitude agressive, nuisances sonores, dégradation de l’espace public…).

CIVISME

Dérivé du latin civis (« citoyen »), le civisme est une « attitude d’attachement à la communauté nationale et à ses institutions et de participation régulière à ses activités, notamment par l’exercice du droit de vote » (Larousse). Le civisme suppose la reconnaissance par le citoyen de ses droits et de ses devoirs envers la collectivité. Il peut même aller jusqu’à la « priorité donnée par le citoyen aux intérêts de la nation sur ses intérêts particuliers » (ibid.). Ce terme tend à être supplanté par celui de citoyenneté, de plus en plus entendu comme l’exercice de ses droits et devoirs de citoyen et non plus comme la simple condition de citoyen.

DISCRIMINATION

En droit français, une discrimination est une situation dans laquelle, sur le fondement d’un critère interdit, « une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable » (loi du 27 mai 2008, art. 1er ). En d’autres termes, c’est une rupture d’égalité de traitement fondée sur l’un des vingt et un critères aujourd’hui reconnus par la loi(1) (parmi lesquels la religion).
La discrimination est un délit passible de sanctions allant jusqu’à 75 000 euros d’amende et 5 ans
de prison si elle est commise dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès (Code pénal, 225-1-1). La définition juridique de la discrimination, complexe, est mal connue du grand public. Par un glissement sémantique, ce terme tend à désigner toute forme d’injustice.

(1) Âge, origine, patronyme, sexe, identité ou orientation sexuelle, apparence physique, caractéristiques génétiques, situation de famille, grossesse, handicap, état de santé, lieu de résidence, mœurs, opinions politiques, activité syndicale, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion, une ethnie, race ou une nation, précarité sociale.

ÉGALITÉ

L’égalité est la qualité de ce qui est égal, c’est-à-dire de même valeur, de même importance. Sur le plan politique, on distingue plusieurs formes d’égalité : l’égalité formelle (égalité des droits), l’égalité réelle (égalité effective), l’égalité de traitement (non discrimination) ou encore l’égalité des chances (équité).
L’égalité ne signifie pas que tous les individus doivent se ressembler mais qu’ils puissent jouir des mêmes droits et de la même possibilité de s’épanouir. Pour les auteurs de la loi de 1905, la séparation des Églises et de l’État est une façon de parvenir à l’égalité. En mettant fin au régime des cultes reconnus et subventionnés, l’État soumet toutes les religions aux mêmes règles.

FRATERNITÉ

« Fraternité » a pour racine frater, qui désignait en latin tout membre de l’espèce humaine. En ce sens, la fraternité est le « lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille humaine » (Larousse)
Comme l’indique l’emploi du conditionnel, il s’agit d’un idéal que l’on retrouve dans différents courants religieux (christianisme, œcuménisme…), philosophiques (universalisme) ou politiques
(internationalisme). La fraternité suppose le respect, voire l’amour de ses semblables. Forgé pendant la Révolution française, le triptyque « liberté, égalité, fraternité » apparaît pour la première fois dans la Constitution de 1848. Tombé en désuétude, le terme de fraternité a disparu du discours politique, remplacé par les expressions « cohésion sociale » et « vivre-ensemble ». Cependant, les attentats de janvier 2015 semblent l’avoir remis à l’ordre du jour. Ainsi, le philosophe Abdennour Bidar a-t-il publié un Plaidoyer pour la fraternité(1).

(1) Abdennour Bidar, Plaidoyer pour la fraternité, éd. Albin Michel, 2015.

LAÏCITÉ

La laïcité est un système politico-juridique qui instaure une séparation entre le pouvoir politique
et le pouvoir religieux. Elle garantit à la fois la neutralité de l’État et sa non-ingérence dans les affaires religieuses. Pour autant, elle n’interdit pas les relations entre les pouvoirs publics et les autorités religieuses.
La loi de 1905 proclame que « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte »(art. 2) mais cela ne signifie pas qu’elle les ignore.
Au contraire, elle « assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes » (art. 1er) en finançant des aumôneries dans les établissements fermés (casernes, hôpitaux, internats, prisons).

LAÏCISME

Le laïcisme est la « doctrine des partisans de la laïcisation des institutions, en particulier de l’enseignement » (Larousse). Le laïcisme critique l’influence de la religion en tant que telle. En cela,
il se distingue de l’anticléricalisme, qui critique l’influence du clergé. Aujourd’hui, le laïcisme se retrouve dans la volonté exprimée par certains de bannir toute manifestation religieuse de l’espace public.

LIBERTÉ

Selon l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » Ainsi, en France,
la liberté d’expression ne permet pas de tout dire, certains propos étant interdits(1). Si l’État fixe
les limites dans lesquelles peut s’exercer la liberté, il ne saurait se montrer trop restrictif, sauf à devenir antidémocratique. La liberté est étroitement liée à l’égalité, «puisqu’il n’y a pas de liberté pour l’homme sans égalité de droits» (Jean Jaurès). Elle n’est pas non plus sans rapport avec la laïcité. En effet, la loi de 1905 vise avant tout à garantir la liberté de conscience et de culte. Elle s’inscrit dans le sillage d’autres lois sur les libertés publiques adoptées à la même époque(2).

(1) La loi française interdit notamment les diffamations et les injures, la diffusion ou la reproduction de fausses nouvelles, l’apologie ou la provocation à commettre certains crimes ou délits, telles l’apologie des crimes de guerre ou contre l’humanité, des actes de terrorisme ou
la provocation à ces actes, les diffamations et injures envers les personnes en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à une nation, une ethnie, une race ou une religion déterminée.

(2) Lois sur la liberté de la presse et la liberté de réunion (1881), la liberté syndicale (1884) et la liberté d’association (1901).

LIBERTÉ

DE

CONSCIENCE

La liberté de conscience peut être définie négativement par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » En somme, il s’agit de la liberté de croire ou de ne pas croire. Cette liberté est au cœur de la loi de 1905, puisque celle-ci proclame, dans son article premier, que « la République assure la liberté de conscience ».

LIBERTÉ

DE

RELIGION

La liberté de religion est définie dans l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme5 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites».« La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » Comme toute liberté, la liberté de religion s’exerce donc dans certaines limites. Ainsi, un préfet peut interdire une manifestation religieuse si elle présente un risque de trouble à l’ordre public, de même qu’un employeur peut interdire à ses salariés le port de signes religieux notamment pour des raisons d’hygiène ou de sécurité.

NEUTRALITÉ

L’un des pères de la loi de 1905, Ferdinand Buisson, définit la laïcité comme « l’État neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique. » C’est cette neutralité de l’État qui rend possible « l’égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les cultes. »
La neutralité confessionnelle s’applique aux politiques, aux bâtiments et aux agents publics. Les subventions directes aux cultes sont interdites, les bâtiments publics ne peuvent arborer de signes religieux (ex : crucifix) et les fonctionnaires doivent s’abstenir d’exprimer toute conviction politique, religieuse ou philosophique par leur tenue ou leur comportement. C’est une «neutralité par abstention» (Patrick Kahn). Il existe une autre forme de neutralité, qui consiste à donner une représentation égale à toutes les sensibilités religieuses ou politiques.
Ainsi, la télévision et la radio publiques sont-elles tenues de diffuser des émissions relatives aux quatre principales religions ou, en période électorale, de donner la parole aux divers courants politiques.

ORDRE PUBLIC

Bien qu’il s’agisse d’un concept fondamental du droit français, l’ordre public n’est défini dans
aucun texte, peut-être parce qu’« il s’agit d’une notion que tout le monde comprend sans avoir besoin d’en donner une définition précise(1). » L’ordre public est l’état social où règnent la paix, la tranquillité et la sécurité. Dans le Code général des collectivités territoriales, l’ordre public est associé aux notions de « bon ordre, sûreté, sécurité et salubrité publiques ». On parle de « trouble à l’ordre public » quand cet état est menacé par un acte individuel ou collectif.
Cette notion peut aussi bien être invoquée pour sanctionner l’ivresse sur la voie publique que pour placer en détention provisoire un individu soupçonné d’actes terroristes. Elle permet également d’apporter des restrictions aux libertés fondamentales, comme la liberté d’expression ou la liberté de religion. D’ailleurs, le seul texte constitutionnel qui fasse directement référence est l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Ainsi, une manifestation religieuse peut être interdite si elle constitue une menace de trouble à l’ordre public. Plus récemment, la notion d’ordre public a été invoquée pour justifier l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public.

(1) «Les principaux critères de limitation des droits de l’homme dans la pratique de la justice constitutionnelle», 8e séminaire des Cours constitutionnelles tenu à Erevan du 2 au 5 octobre 2003.

PROSÉLYTISME

À l’origine, un prosélyte est une personne nouvellement convertie à une foi ou à une cause.
Aujourd’hui, le terme désigne plutôt un individu qui cherche à propager sa foi ou sa cause. Le Larousse définit le prosélytisme comme un « zèle ardent pour recruter des adeptes, pour tenter d’imposer ses idées. » On peut considérer le prosélytisme comme une manifestation de la liberté religieuse. À ce titre, il est protégé par la loi, comme l’a rappelé la Cour européenne dans un arrêt
de 1993 ou la cour d’appel de Montpellier dans son arrêt du 13 juin 2000 : « Le prosélytisme est propre à chaque religion et ne saurait en soi être considéré comme fautif. » Cependant, le prosélytisme abusif peut être sanctionné dans certains cas, notamment lorsqu’il s’exerce dans le cadre professionnel (1) .

(1) Vincente Fortier, « Le prosélytisme au regard du droit : une liberté sous contrôle », revue électronique Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires.

RESPECT

Il existe plusieurs formes de respect. Respecter la loi, c’est s’y conformer. Respecter un engagement, c’est faire ce que l’on a dit. Dans ces deux acceptions, le respect se manifeste par une action. Mais le respect désigne aussi le « sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers », ainsi que les « manifestations de ces égards » (Larousse). Le respect induit donc une adhésion et un engagement plus forts que la tolérance. Il suppose de reconnaître l’autre comme son égal. Pour Jean Jaurès : « La laïcité ne se réduit pas
à la tolérance car elle est fondée, non seulement sur la liberté de conscience, mais aussi sur le respect égal et mutuel de toutes les personnes puisqu’il n’y a pas de liberté pour l’homme sans égalité de droits. » Cette conception de la laïcité comme condition du respect mutuel est également présente dans une circulaire de 2011 : « La laïcité n’est ni le reniement ni le cantonnement des religions. Elle est la condition du respect des choix personnels dans une société ouverte où histoire et patrimoine ont été souvent forgés par les grandes traditions spirituelles ou religieuses (1). »

(1) Ministère de l’Intérieur, circulaire du 16 août 2011, Rappel des règlesafférentes au principe de laïcité – demandes de régimes alimentaires  particuliers dans les services de restauration collective du service public.

SÉCULARISATION

En droit, la sécularisation désigne la nationalisation d’un bien appartenant à une église ou d’une
gérée par celle-ci (syn. laïcisation). En sociologie, on parle de sécularisation pour décrire le processus de perte d’influence de la religion dans une société, un phénomène qualifié par Max Weber de « désenchantement du monde ». Il convient de distinguer la sécularisation de la laïcisation. L’une concerne la société, l’autre les institutions. Comme l’explique l’historien Émile Poulat, « la sécularisation est un processus social. En un sens, elle explique la laïcisation, qui est un processus légal. […] On sépare des institutions – l’Église et l’État – par décret, on ne décrète pas la séparation de la société et de l’Église : elle s’établit dans les moeurs et les mentalités pour
des raisons qui ne sont pas d’abord juridiques. »

TOLÉRANCE

Sur le plan individuel, la tolérance est «l’attitude de quelqu’un qui admet chez les autres des manières de penser et de vivre différentes des siennes propres» (Larousse). Sur le plan religieux, ce terme désigne le « respect de la liberté de conscience et [l’]ouverture d’esprit à l’égard de ceux qui professent une religion ou des doctrines religieuses différentes » [ibid.].
Tolérer n’est pas accepter mais supporter quelque chose que l’on désapprouve (tolerare signifie
d’ailleurs « supporter » en latin). Ainsi, la tolérance peut aller de pair avec la condescendance, voire le mépris. Le philosophe anglais John Locke appelle tolérance le fait de «cesser de combattre ce qu’on ne peut changer.» L’exercice de la liberté suppose nécessairement un certain niveau de tolérance des individus entre eux. Pour autant, faut-il tolérer les intolérants ? Le philosophe étatsunien John Rawls répond par l’affirmative, en ajoutant toutefois que la société n’a aucune obligation de tolérer les individus qui cherchent à la détruire.